L’hygiène au sein des hôpitaux constitue un pilier essentiel dans la prévention des maladies, la promotion de la qualité des soins et de la sécurité des patients (1-2). En Afrique subsaharienne, malgré les progrès enregistrés dans le domaine de la santé, la problématique du WASH dans les établissements de santé demeure préoccupante. Selon le rapport mondial 2024 sur les services d’eau, d’hygiène et d’assainissement dans les établissements de santé (EDS), environ 58 % des structures disposaient d’un service de base d’approvisionnement en eau, 47% assuraient un assainissement de base, tandis que 36 % mettaient en œuvre des services d’hygiène de base. Les services de nettoyage de l’environnement étaient assurés dans 11% des EDS, et 80 % disposaient d’un dispositif de gestion des déchets biomédicaux (3).
Au Burkina Faso, où les établissements de santé sont confrontés à des contraintes multiples (infrastructurelles, ressources humaines, organisationnelles et financières), la gestion de l’hygiène reste un défi majeur. En 2022, on estimait que le taux de couverture en services d’hygiène de base n’était que de 21 %, contre 79% pour la gestion des déchets hospitaliers. Sur 1 953 formations sanitaires, seulement 34% étaient alimentées en eau potable à partir d’un réseau classique, contre 65% à partir de points d’eau autonomes. Le rapport indique en outre que moins de 54% de ces centres traitent les déchets infectieux (4). Bien que des politiques nationales encadrent la prévention des infections nosocomiales et renforcent les mesures d’hygiène, leur application reste inégale selon les établissements (5-8).
Les dysfonctionnements identifiés dans la gestion de l’hygiène hospitalière ne sont pas uniquement techniques. Ils traduisent un ensemble de causes structurelles, organisationnelles et humaines, qu’il convient d’examiner de manière critique. En effet, le manque de suivi, d’évaluation, de sanctions ou d’incitations réelles conduit à une mise en œuvre insuffisante des politiques d’hygiène. Souvent reléguée au second plan face à d’autres urgences médicales ou logistiques cette thématique est considérée comme une fonction transversale, faiblement budgétisée de manière autonome et peu valorisée. Cela limite l’achat de consommables, des équipements de protection individuelle, la maintenance préventive des équipements et la formation continue du personnel. Aussi, les interventions des partenaires techniques et financiers dans le domaine du WASH hospitalier restent limitées.
Le respect des règles d’hygiène dépend fortement de la discipline collective, de la responsabilisation individuelle et des normes socioculturelles et comportementales. Dans plusieurs structures, l’hygiène est encore perçue comme une tâche annexe ou subalterne, et non comme un acte clinique à part entière. Le manque de leadership de certains responsables des établissements de santé sur ces questions favorise le relâchement des pratiques.
Le personnel nouvellement recruté n’est pas toujours formé aux protocoles d’hygiène, et les recyclages régulier sont rares. L’absence d’agents référents, de rappels pratiques ou de contrôles sur le terrain rend difficile le maintien de standards élevés.
Le système souffre également d’un déficit de remontée d’informations de la part des usagers, souvent peu sensibilisés à leurs droits en matière d’environnement hospitalier sain. Cela se traduit par une faible pression sociale et/ou communautaire pour l’amélioration des pratiques.
Pourtant, le Burkina Faso dispose de professionnels formés dans de nombreux domaines tels que l’hygiène hospitalière, la santé publique, l’infectiologie, la microbiologie, le WASH, la gestion des risques, la biosécurité. Ces ressources, souvent concentrées au niveau central ou régional, ne sont pas systématiquement impliqués dans les actions au niveau opérationnel. Leur expertise reste trop souvent cantonnée à des fonctions administratives ou des tâches secondaires.
Des superviseurs et/ou agents formés avec des expertises avérées dans l’appui technique sont censés encadrer les pratiques dans les structures hospitalières. Cependant, l’on note que les visites de supervision, pourtant indispensables, sont irrégulières, faute de budget ou de priorisation.
Aussi, il existe une fragmentation des responsabilités entre les différentes entités techniques des ministères concernés (MSHP, Ministère de l’environnement et du Cadre de Vie, le MATDS). Chacune agit selon ses objectifs, sans un mécanisme de coordination intégré autour de l’hygiène hospitalière.
Enfin, la mobilisation communautaire autour des enjeux de l’hygiène hospitalière est peu perceptible. Une part importante d’initiatives communautaires est conduite dans le cadre extrahospitalier.
En résumé, l’hygiène hospitalière dans les structures sanitaires de notre pays est un défi majeur, malgré l’existence de compétences, de référentiels et de structures opérationnelles au sein du ministère de la Santé. Les constats révèlent que les problèmes persistent moins par manque de ressources que par la sous-utilisation des compétences disponibles, une faible coordination et un manque de suivi structuré.
👉 Ainsi, il est urgent de passer d’une logique de présence passive à une mobilisation active des ressources humaines et techniques existantes.
Pour cela, ces priorités claires doivent être intégrées dans notre lutte quotidienne de l’hygiène hospitalière :
- Renforcer la coordination entre les directions techniques.
- Structurer et rendre fonctionnelles les cellules d’hygiène dans les établissements.
- Valoriser les compétences locales et les intégrer dans la gouvernance hospitalière.
- Impliquer davantage la communauté et les partenaires techniques et financiers (PTF).
- Agir maintenant, c’est prévenir des infections évitables, protéger les soignants et restaurer la confiance des usagers. L’hygiène hospitalière n’est pas un luxe, mais un standard minimum de qualité et de sécurité des soins.
Bibliographie
- Diarra Yah Malick. Hygiène Hospitalière et Prevention des Infections Nosocomiales en Côte d’Ivoire : Cas de l’Hôpital General de Dabou, Vol 18 No 33 (2022): ESJ Natural/Life/Medical Sciences,
- Jashan Girdhar, Kapil Shandilya, Munnawar Husaain, Parneet Kaur, Shushank Mahajan, Tarun Singh, Isha Chawla, Meenakshi Dhanawat, A Review of the Difficulties Faced by Low and Middle-income Countries in Hygiene and Healthcare Practices, Infectious Disorders – Drug Targets, Volume 25, Issue 3,2025.
- Organisation mondiale de la Santé (OMS) et Fonds des Nations pour l’Enfance (UNICEF), Eau, assainissement, hygiène, nettoyage de l’environnement et gestion des déchets dans les établissements de santé : mise à jour des données 2023 et attention particulière portée aux soins de santé primaires, Genève, 2025.
- UNICEF. Rapport final sur l’évaluation formative de mise en œuvre du projet WASH FIT dans les établissements de santé, dans le cadre des cycles de projets UNICEF/CDC 2020-2021 et 2021-2022 au Burkina Faso.
- MSHP-BURKINA FASO, Stratégie nationale de l’hygiène hospitalière 2024-2028
- MSHP-BURKINA FASO, Guide d’évaluation de la performance des établissements de santé en prévention et contrôle des infections ;2025
- MSHP-BURKINA FASO, Guide de surveillance et d’investigation des infections associées aux soins ;2025
- MSHP-BURKINA FASO, Guide de sécurité de l’environnement en matière d’hygiène hospitalière et de sécurité du patient,2025
Auteur : OUEDRAOGO Ali, Expert en gestion des urgences de santé publique
Contribution : Membres du Comité Exécutif – OBQUASS